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La fête de l’Assomption, ou l’histoire politique d’une dévotion française à la Vierge Marie

Depuis trois siècles se joue une curieuse scène de marbre au centre de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Au milieu du maître-autel s’élève une Vierge Marie jetant son regard vers les cieux, entourée par deux hommes agenouillés dont beaucoup de visiteurs ignorent qu’ils furent deux des plus illustres souverains de France : Louis XIV (qui régna de 1643 à 1715), et son père Louis XIII (1610-1643).
Cet ensemble spectaculaire, réalisé dans les dernières années de règne du Roi-Soleil, dépasse le simple cadeau d’un fils à son géniteur. Il cristallise un désir qui relie la France à cette figure majeure du christianisme : le vœu de Louis XIII, formulé en 1638, de consacrer son royaume à la Vierge et de faire du 15 août le jour de sa célébration.
« Prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets », formalise l’acte officiel que fut la déclaration du 10 février 1638. Ce texte, qui a force de loi, fixe le menu des célébrations qui auront lieu tous les ans pour l’Assomption, fête marquant, dans la tradition catholique, l’élévation corporelle de Marie au ciel : des oraisons et des processions se tiendront désormais partout dans le royaume pour « implorer en ce jour sa protection ».
Il ne reste alors au fils d’Henri IV et de Marie de Médicis que cinq années à vivre, et ce vœu vient acter le soulagement de s’être tiré des plus grands périls durant sa vie. Louis XIII a affronté les complots ourdis par son frère Gaston d’Orléans (1608-1660), la guerre de Trente Ans qui a embrasé l’Europe entre 1618 et 1648, et l’immense danger qui a longtemps pesé sur sa dynastie : son incapacité à engendrer un héritier au trône.
La grossesse de son épouse, Anne d’Autriche, en 1638, après vingt-trois années de mariage stérile, est en effet perçue comme une grâce de la Vierge. L’enfant, futur Louis XIV, sera prénommé Louis-Dieudonné, en écho à cette providence. « Cette naissance fut perçue comme un miracle, une réponse divine à la consécration du royaume », souligne l’historien d’art Léo Minois (Les Cahiers de Framespa, 2012). C’est dans ce contexte qu’intervient le vœu de Louis XIII, encouragé par son ministre d’Etat Richelieu (1585-1642), consacrant une longue trajectoire reliant la Vierge au pouvoir français.
« Regnum Galliae, regnum Mariae » : « Le royaume de France est le royaume de Marie », selon un mot attribué au pape Urbain II (1088-1099). Au XXe siècle, son lointain successeur Jean XXIII ajoute : « Dans l’ordre de la Providence, chaque nation a une mission, et il suffit parfois d’une devise pour la qualifier. Or quand on dit : “Regnum Galliae, regnum Mariae”, on énonce de façon parfaite le témoignage d’honneur et d’amour des fils et des nombreux descendants de Clovis. »
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